Dict. Universel François et Latin - 1732 - DICTIONNAIRE UNIVERSEL DE TREVOUX

FER

FÈR, s.m. Ce mot n'a point de plurier, lorsqu'il signifie ce métal dur qui se fond & qui se forge, & dont on fait prèsque tous les outils des artisans pour couper & pour battre. Ferrum. Le fèr est compôsé d'une tèrre, d'un sel & d'un soufre impurs, mal digérez & mal unis, ce qui le rend sujèt à la rouille. Il est le plus dur, le plus sèc & le plus difficile à fondre de tous les métaux. Le fèr s'amollit & devient doux étant mis plusieurs fois au feu, & battu, & en le laissant refroidir après. Il se durcit en l'éteignant dans l'eau. Il se blanchit, si on l'étend dans de la poudre de sel armoniac, & de la chaux vive. On fait des canons de fèr . Les boulets sont de fèr fondu. La lime ne mord point sur les piéces de fèr de fonte. La plus forte trempe du fèr se fait dans le jus de réfort, ou du suc de vèrs pilez. Le fèr ardent appliqué à un magdalon de soufre, se distille & tombe en grenaille. Il y a du fèr doux, & du fèr aigre, & des Officiers Royaux ou prud'hommes établis pour le marquer. Le fèr a grande sympathie avec le cuîvre, & on a de la peine à les séparer, quand ils sont soudez ensemble: de là vient la grande amitié que les Poëtes ont feint que Mars avoit pour Vénus. Le fèr attîre l'aiman, ou l'aiman attîre le fèr. Le fèr frotté d'aiman attîre un autre fèr. ROH. Le fèr est même un aiman imparfait, & ces deux corps ont beaucoup de ressemblance. ID. Le fèr expôsé long-tems dans une certaine situation devient aiman, témoin le fèr du Clocher de notre Dame de Chartres.

Il y a du fèr en plusieurs endroits de France, celui de Suéde & d'Allemagne est le meilleur. Le fèr dont on se sèrt ordinairement pour les ouvrages est en bârre, ou en botte: ces bârres sont de différentes longueurs. Le fèr plat a 9 à 10 piéds de long, quelquefois plus, sur deux poûces & demi de large, & environ quatre lignes d'épaisseur. Le fèr quarré est en bârre de divèrses longueurs, il a environ deux poûces en quarré. Le fèr quarré bâtard a neuf piéds de long, & seize à dix-huit lignes en quarré. Le fèr cornette a huit ou neuf piéds de long, trois poûces de large, & quatre à cinq lignes d'épaisseur. Le fèr rond a six à sept piéds de long, & neuf lignes de diamétre. Le fèr de carillon est un petit fèr qui n'a que huit à neuf lignes. Le fèr de courçon est par grôs morceaux de deux, trois, & quatre piéds de long, & de deux poûces & demi en quarré. Le fèr tôle est en feuilles, & de différentes largeurs & hauteurs. Le fèr en botte sèrt pour faire des vèrges de vîtres, & autres ouvrages.

Les qualitez du fèr en général sont exprimées par les mots suivants. fèr bon & ployant; fèr rouverain; c'est-à-dire qui a des gèrsures, il est cassant à chaud, & difficile à forger: fèr maniable à froid, & à la lime; fèr cendreux, est celui qui ne devient pas clair quand il est poli; fèr cassant, dur, roide; fèr à gros grain, à petit grain; fèr ployant à froid, cassant à froid, tendre au feu, aisé à se rouiller, à se manger; fèr cassant à chaud; fèr pailleux, le fèr d'Éspagne est sujet à être de cette qualité, & à avoir de gros grains difficiles à limer.
Le fèr de France a les qualitez suivantes, selon les différentes mines dont il est tîré. Le fèr de Senonches est fort doux & ployant, celui de Vibray est plus fèrme & de bonne qualité; le fèr de Saint-Dizier est plus cassant, & a le grain plus gros, celui qui vient du Nivèrnois est doux, & tient beaucoup de l'acier, il est propre à faire des épées, & des canons de mousquet; le fèr de Bourgogne est médiocrement doux, celui de Champagne est plus cassant; le fèr de Roche est doux & fin, celui de Normandie est ordinairement fort cassant.

Le fèr de Suéde, & celui d'Allemagne, est meilleur & plus ployant que celui de France; le fèr d'Espagne est de même, mais il est assez souvent rouverain, cassant à chaud, & plein de grains d'acier difficiles à limer.
Par rapport aux ouvrages qu'on fait de fèr il est bon de remarquer ce qui suit, le fèr cendreux ne sçauroit se polir, le fèr qui paroit à la casse gris, nor, & tîrant sur le blanc, est bon pour les Maréchaux, les Taillandiérs, & ceux qui travaillent de grosses oeuvres noires; le fèr qui paroit mêlé à la casse, dont une partie est grise, l'autre noire, & l'autre blanche, & qui a les grains un peu gros, est souvent le meilleur pour la forge, pour la lime, & pour se bien polir; le fèr qui a le grain petit, qui est ployant à froid, & qui gresille lorsqu'il commence à être chaud, est difficile à employer à la forge & à la lime, il ne se soude pas facilement, mais il est bon pour ceux qui font de gros ouvrages pour travailler à la tèrre; le fèr dont le grain est gros, & qui est clair à la casse, ne vaut guère pour quelque ouvrage que ce soit, parce qu'il est cassant à froid, tendre au feu, sujet à se rouiller, & à se manger, il se sçauroit souffrir une grande chaleur sans se brûler.

Une gueule de fer, est le gros lingot qui sort du fourneau. Porca. La rouille de fer, ou mâchefer, ferrugo; les grains de fèr qui se détachent quand on le bat; ou étincelles de fer, strictura. La soudure de fer, ferrumen, ferruminatio. fèr chaud ou bouton de feu, cauterium.
Comme il y a des pétrifications, il y a aussi des serrifications, si l'on ôse parler ainsi, mais elles sont plus râres. Dans le Cabinet de la Société Royale de Londres il y a deux os de piéd d'homme changez en fer.

Le fer, dans l'Antiquité païenne, étoit consacré à Mars. Voyez ce qu'en dit Vossius De Idolol. L. VI. C. 5. 31. 32. 40.
Diodôre de Sicile dit, L. V. p. 230. que ce sont les Cabires qui apprîrent la manière de fabriquer le fer, mais nous apprenons de la Genêse C. IV. v. 22. que Tubalcaïn l'avait inventée avant le déluge, & par conséquent long-tems avant les Cabires.
L'Arésio a fait une dévise d'un fèr tout rouge, sur l'enclume, prêt à recevoir les coups de marteau, avec ce vèrs Italien,

Foco al' sembliante, e cera a i colpi sembra.

A l'apparence c'est du feu, sous les coups il semble de la cîre; pour marquer un homme ardent & hautain dans ses querelles, mais qui revient aisément. Les idées de feu & de cîre sont trop disparates pour une bonne dévise. Les Uniformi de Rome ont pris pour dévise un fèr sur l'enclume, frappé à coups de marteaux, Et dant vulnera formam, pour signifier que les peines, les infirmitez, les travaux, pèrfectionnent une âme chrétienne.

En tèrmes du Grand Art fèr des Philosophes signifie l'ouvrage de la pièrre des Sages.

FÈR BLANC, est du fèr doux, battu & réduit en lames déliées, & trempées dans de l'étain fondu. On le trempe auparavant un peu dans l'eau forte, parce que s'il étoit trop poli, la teinture ne s'y arrêteroit pas.
Il y a aussi du fèr battu en lames, qui diffère de l'autre fèr, qu'on met en gros ouvrages. On l'appelle autrement Tole.

FIL DE FÈR, est du fèr délié qu'on a passé par la filière, comme le fil d'archal.

FÈR D'AIGUILLETTE. C'est une petite piéce mince de fèr blanc, ou de cuivre, ou d'argent, dont on garnit les aiguillettes par le bout. On dit le fèr d'une pique, le fèr d'une lance, le fèr d'une flèche; pour dire, la pointe de fèr qui est au bout d'une pique, d'une lance, d'une flèche. Cuspis, mucro, spiculum.
On appelle aussi fèr absolument, plusieurs piéces de fèr particulières qui servent à divèrs usages. Un fèr à repasser le linge. Un fèr à friser les cheveux, calamistrum; un fèr à relever la moustache, & de même des outils d'artisans. Fèrs à souder, fèrs à retondre pour les Tailleurs de pièrre. Des fèrs à rouet de Sèrruriérs. Fèrs ronds, quarrez, en triangle, crochus, &c. Des fèrs de Patissier, qui sèrvent à marquer le pain-à-chanter & les gauffres. Des fèrs de Découpeur, de Doreur, qui sèrvent à tailler, à dorer, à râcler le parchemin, &c.
On dit, qu'une piéce de monnoie est entre deux fèrs; pour dire, en équilibre, entre les deux fèrs de la balance. Les Jardiniérs disent un fèr de bêche, pour dire l'éspace, la longueur du fèr de la bêche. On appelle en tèrmes de jardinage rigole, une tranchée plus ou moins profonde, & large seulement d'un fèr de bêche, & destinée à recevoir quelque plant.
On appelle aussi absolument fèrs, les chaînes, carcans, entraves & menottes, qui sèrvent à retenir les prisonniers & les ésclaves. Vincula, compedes, catenae. Auquel sens il n'a point de singulier. On a mis à ce criminel les fèrs aux piéds & aux mains. Il languit dans les fèrs parmi les Turcs. On le dit aussi dans un sens figuré de ce qui gêne, qui dompte, qui contraint les sentimens, les inclinations, les passions.

Ah! quand briserez-vous nos fèrs. QUIN.

En ce sens il signifie figurément toute sorte d'ésclavage, & se dit particulièrement en matière d'amour. Cet Amant bénit les fèrs, aime les fèrs. Il a brisé ses fèrs.

L'amour me retient dans vos fèrs. VOIT.
Romps tes fèrs qu'ils soient doréz. MAI.
Ma triste raison...
N'a pu sauver des fèrs ma douce liberté. VILL.
Non, Princes, ce n'est point au bout de l'Univers,
Que Rome fait sentir tout le poids de ses fèrs. RAC.

Il s'employe aussi fort particulièrement en matière de piété, pour signifier l'ésclavage où le Diâble, le monde, le péché retiennent les hommes. Je jure de rompre mes fèrs, mais mes passions qui m'emportent me font bientôt oublier ce que j'ai promis à Dieu. Ab. TÉTU.

Et préfère de voir ses passions aux fèrs
A la faûsse grandeur de domter l'Univèrs.

FÈR, se dit absolument des fèrs qu'on met aux piéds des chevaux pour leur consèrver la corne. Solea ferrea. On les forge convenablement à la forme du piéd qu'ils doivent couvrir. Un fèr est arrondi du côté de la pince, & ouvèrt du côté du talon. Un fèr à tous piéds, est un fèr composé de deux pièces mobiles sur un clou rivé du côté de la pince, qui se peut accomoder à toutes sortes de piéds. Cette éspéce de fèr s'appelle fèr d'argent, quand la matière en est d'argent. Les chevaux de cet Ambassadeur avoient des fèrs d'argent.
Un fèr de cheval que l'on applique tout rouge sur un bois, afin qu'il imprime sa figure, & pour ame, Format ignitum, est une devise d'Alcibiade Lucarini, qui signifie que pour toucher les autres il faut être touché soi-même; si vis me flere, dit Horace, dolendum est.

FÈR A CHEVAL, en termes de Fortifications, est un ouvrage de figure ronde, ou ovale, bordé d'un parapèt sèrvant à couvrir une porte, à y loger un corps de garde, ou à déffendre un fossé. On appelle aussi fèr à cheval, une tèrrasse circulaire à deux rampes en pente douce, & les autres éspaces qui ont la figure d'un fèr à cheval, comme dans un partèrre, un bois, &c. fèr à cheval ne se dit point des fèrs qu'on met aux piéds des chevaux, il faut dire, un fèr de cheval.

FÈR A CHEVAL. Tèrme de Chasse. C'est un plumage rouge, en forme de fèr à cheval, qui vient sur le ventre du pèrdreau. Semi-circulus, Hemicyclus. Les pèrdreaux commencent à être bons, ils ont le fèr à cheval tout formé.

FÈR DE CHEVAL, s.m. Plante à fleurs légumineuses. Ferrum Equinum. L'éspèce de ce genre la plus connuë sous ce nom, & qui réprésente mieux un fèr de cheval, est annuelle, sa racine est fibreuse, elle pousse quelques petites tiges couchées par tèrre, branchuës, garnies de feuilles pareilles à celles de la lentille, plus charnuës, d'un vèrd plus gai; ses fleurs sont petites, jaûnes, & à ces fleurs succédent des gousses comme articulées, dont châque piéce est taillée en fèr de cheval, compôsée de deux cosses qui renfèrment une semence qui a la figure d'un rein. C. Bauhin l'appelle ferrum equinum siliquâ singulari. Il y a d'autres éspèces de fèr de cheval.

FÈR, se fit aussi quelquefois absolument d'une épée, & des armes. Ce pays a été ravagé par le fèr & par le feu. Prens ce fèr, dit Trajan au Gouvèrneur de Rome, & t'en sers pour moi si je fais bien, & contre moi si je fais mal. ABL. Cet hypocrite veut nous assassiner avec un fèr sacré. MOL.

Prens ce fèr que mon bras ne peut plus soutenir. CORN.
On se menace, on court, l'air gémit, le fèr brille. RAC.
Grenade & l'Aragon tremblent quand ce fèr brille. CORN.

On dit encore, Manier le fèr; pour dire, Suivre la profession des armes; Battre le fèr; pour dire, S'exèrcer aux armes. Et en ce sens on le dit aussi au figuré de tous les autres exèrcices où on s'est appliqué. Il a bien battu le fèr dans les écôles, avant que de soutenir cette thèse.
On dit aussi se battre à fèr émoulu; pour dire, Se battre tout de bon; & cela tant au propre qu'au figuré; soit avec la lance, comme on faisoit autrefois; soit dans toute autre forme de combats & disputes. On appeloit autrefois fèr de guèrre le fèr émoulu de la lance dont on se servoit dans les guèrres, & dans les combats à outrance, pour le distinguer du fèr dont on se servoit dans les lices & tournois, & qu'on appeloit fèr non émoulu, fèr sans émoulure, fèr rebouché, fèr de rochet, ou de roquet. Mucro retusus. C'est encore ce qu'on appeloit courtois roquets, ou lances courtoises, dont les pointes & fèrs sont rabbattus, mousses & non émoulus, desquels on combat soit en lice ou en behourd pour plaisir, & dèduire foy & les Dames. On voit bien que ceci est tîré d'Auteurs d'ancien langage. Enguèrrand de Monstrelet, liv. I. chap. 38. dit que le Duc de Bourgogne fit peindre sur l'huis de son logis par dehors deux lances, dont l'une si avoit fèr de guèrre, & l'autre si avoit fèr de rochet, en signifiance que qui voudroit avoir à lui paix ou guèrre, si la prensist. NICOD, sur le mot courtois.

On dit en tèrme de Marine, Demeurer sur le fèr, pour dire à l'ancre.

FÈR, en tèrmes de Blâson, se dit de plusieurs sortes de fèrs, comme de cheval, de flêche, de javelot, de lance & de pique, dont on charge les Écus. Le fèr de cheval se représente ordinairement la pince en haut; & lorsque les places des clous sont d'autre couleur ou métal, on le blasonne cloué.

FÈR DE MOULIN, ou croix de moulin, est ce fèr qui se pôse au milieu de la meule, comme deux ancres adossées qui se sont jointes avec deux petites branches, en telle distance, qu'il se fait une ouvèrture quarrée au milieu, qui est caûse, que plusieurs l'appellent croix anille. Il s'en trouve sur plusieurs Écus.

FÈR MAILLÉ. Grille de fèr faite en mailles, ou rezeau, qu'on met à la fenêtre, laquelle est une servitude, ou souffrance pour un voisin. C'est un treillis de fèr dont les trous ne peuvent être que de 4. pouces en tout sens avec un vèrre dormant scêllé en plâtre, pèrmis par la coutume de Paris, art. 201.

FÈR, en tèrmes de Chymie, a le nom de Mars, & souffre plusieurs préparations. Le sel de Mars, ou de fèr, est compôsé du sel de l'ésprit de vinaigre & des particules d'aciér, que le même ésprit a dissoutes. Il est propre à ouvrir les obstructions. Le safran de Mars, ou crocus Martis, est la rouille de l'aciér sur lequel on a vèrsé de l'eau: c'est aussi celui qu'on ramasse sur les barres de fèr qui ont été long-tems exposées au feu, comme celles qui ont porté les vaisseaux dans les fourneaux de revèrbère. On en fait aussi avec la limaille d'aciér, qu'on fait demeurer long-tems dans un fourneau de vèrrerie.

FÈR, se dit figurément en Morale, de ce qui a une grande dureté. Ainsi les Anciens ont appelé le siécle de fèr, celui ou les hommes étoient durs & cruels. On dit qu'un homme a le corps de fèr; pour dire, qu'il est capable de résister aux plus grandes fatigues; qu'il a la tête de fèr, quand il résiste aux fatigues de tête que cause la multitude des affaires. Il useroit du fèr; pour dire, Il use beaucoup.
On nomme aussi en quelques endroits, Bestiaux de fèr, ceux qu'on a donnez à des Fèrmiers, à la charge que le croît servira à remplacer ceux qui périront. Ainsi il y a plusieurs métairies en Berry, où il y a des bestiaux qui se consèrvent toûjours.

FÈR ARDENT, ou fèr CHAUD. L'épreuve ou la preuve du fèr ardent, ou du fèr chaud. C'étoit anciennement une épreuve qu'on faisait en Justice pour prouver son innocence par le moyen d'un fèr chaud: ce qu'on faisoit en plusieurs façons: quelquefois on marchoit sur douze socs de charruës ardens: quelquefois on prenoit une barre de fèr ardente en main, & on la jettoit par deux ou trois fois dans l'éspace de neuf pas: quelquefois ce fèr chaud avoit la forme d'un gand, dans lequel on fourroit la main & le bras. C'étoit une coutume fort ancienne: car l'un des articles de la Loi Salique porte, De manu ab aneo redimendâ, parce-qu'on rachetoit quelquefois la rigueur du fèr chaud, ou airain chaud, moyennant cèrtaine somme de deniérs. Les Auteurs raportent une infinité de ces jugemens, comme on voit dans Pasquier, Du Cange, & autres, qui les ont appelez, Judicium ferri calidi, ferri candentis, chalybis examen, ferrum ignitum, judicium ignitum, igniferum judicium, ferreum judicium, ferrum judiciale, &c. Ce sèrment regardoit particulièrement ceux qui ne pouvoient plus se battre en duel, soit à caùse de leur âge, ou de quelque maladie, ou de quelque impèrfection du corps; & sur tout ceux qui étoient de condition libre, & même les Moines & les Écclésiastiques. Car pour les paysans, on leur faisoit faire l'épreuve de l'eau froide. On le faisoit aussi bien pour les procès civils que pour les criminels; & cela avec plusieurs cérémonies Ecclésiastiques ordonnées par les loix & coutumes de plusieurs Nations, & même par les Conciles.
On ne faisoit point ce jugement dans des semaines où il y avoit des fêtes. On faisoit plus ou moins rougir selon l'énormité du crime, ou selon les présomptions qu'il y avoit contre l'accusé. Ce fèr étoit béni, & gardé fort soigneusement par les Écclesiastiques qui avoient droit d'en avoir un. Tous n'avoient pas ce droit: c'étoit une distinction aussi utile qu'honorable; car avant que de toucher ce fèr on payoit une somme à l'Église, à laquelle il appartenoit. La preuve par le fèr étoit la preuve des Nobles, des Prêtres, & autres gens libres, que l'on dispensoit du combat. Trois jours avant que de la faire on jeunoit au pain & à l'eau. Le jour qu'elle se faisoit l'accusé entendoit la Messe, & avant que d'y communier, il protestoit à haute voix qu'il étoit innocent du crime dont on l'accusoit. La Messe finie les Prêtres chantant d'un ton lugubre le conduisoient fort lentement à l'endroit de l'Église destiné à faire ces preuves. L'Accusé en y arrivant baisoit le livre des Évangiles; il y beuvoit de l'eau bénite, on lui en jettoit sur le visage, sur la tête, sur ses habits, & plus encore sur la main dont il devoit toucher le fer. Ce fèr étoit un gantelet dans lequel on fourroit la main, ou une barre plus ou moins grosse. L'Accusé soulevoit cette barre, une, deux ou trois fois, selon que portoit l'arrêt, puis mettoit sa main dans un sac, que l'on fèrmoit éxactement. Le Juge & la partie apposoient leurs sceaux sur le sac, & les otoient trois jours après, si sur la main de l'Accusé il ne paroissoit point de brulure, il étoit renvoyé absous; s'il y en paroissoit, il était déclaré coupable. LE GENDRE, Moeurs & Cout. de France. p. 46. & suiv.
Ces jugemens ont été déffendus par les Papes, les Conciles, & les Princes, comme par les Papes Étienne, Alexandre III. Innocent III. Honoré III. le Concile de Latran, & celui de Baïeux en 1300. par Frédéric I. Empereur, Jacques I. Roi d'Arragon, Aléxandre II. Roi d'Écosse: le tout un peu auparavant le régne de Saint Louïs. Voyez l'Histoire Critique des pratiques supèrstitieuses, par le P. Brun; & ci-dessus au mot Éspreuve.

FÈR, se dit provèrbialement en ces phrâses, Mettre les fèrs au feu, quand on commence sérieusement à vouloir faire réunir quelque affaire. On dit, qu'un homme a toujours quelque fèr qui loche; pour dire, qu'il est infirme, qu'il se plaint toujours de quelque mal. On dit d'un cheval qui est tombé, qu'il a été renvèrsé les quatre fers en l'air; & figurément il se dit aussi d'un homme. On dit aussi, qu'il faut battre le fèr tandis qu'il est chaud; pour dire, qu'il ne faut pas perdre une bonne occasion, une conjoncture favorable. On dit d'une chose qu'on méprise, qu'on n'en donneroit par un fèr d'aiguillette. On dit aussi, qu'il faut employer le fèr & le feu à quelque mal; pour dire, qu'il y faut appliquer les remédes les plus violens. On dit aussi, Quand on quitte un Maréchal, il faut payer les vieux fers; pour dire, qu'il faut payer les parties d'un ouvriér quand on le change. On dit qu'une pèrsonne n'est pas de fer; pour dire, qu'elle n'est pas infatigable.
On disoit autrefois les six deniers aux fers le Roi, pour exprimer un droit, ou une redevance de six deniers que les Ouvriers compris sous le nom de Fevres, payoient au Roi à la Pentecôte, dans la suite le Maître Maréchal profita de cette redevance. Voyer FEVRE.

FÈR DE GALÈRE. C'est la même chose qu'ancre de Galère. Anchora. fèr d'andriveau, est une petite ancre de Galère.

FÈR-A-BRAS, ou bras-de-fer, est un surnom pris par quelques grands Seigneurs qui avoient signalé leur courage, & fait sentir la force de leur bras dans les batailles. Baudoin Bras-de-fer est regardé comme le premiér Comte de Flandres. Quelques Auteurs l'appellent Fer-à-bras. Huës Chapel n'étoit pas seulement fort-à-tête, mais grand fer-à-bras. Histoire de France mss. Guillaume frère de Robèrt Guiscard porta le surnom de Fer-à-bras, à cause de sa valeur, comme le raporte Guillaume de la Pouille au premiér livre des Gestes des Normans. C'est peut-être là l'origine du mot de fer-à-bras, que l'on donne aux fanfarons. On a dit d'abord fèr à bras.

LE CAP DE FÈR, ou Capo-fèrrato. Promontorium candidum, ou ferratum, anciennement Pretum, ou Tritum, Cap du Royaume de Constantine, Province de celui d'Alger, en Barbarie. Le Cap de fèr est à l'entrée orientale du petit golfe de Stora, & au septentrion de la ville de ce nom. MATY. Voyez aussi Pasquier Rech. L. IV. C.2.

L'ISLE DE FÈR. Pluitalia dans Ptolémée, Pluvialia dans Pline, L. VIC. 32. C'est une isle de l'océan atlantique, la plus occidentale, & la plus méridionale des Canaries; autrefois l'une des Isles-fortunées. Son principal lieu porte le même nom qu'elle. Nos Géographes font passer par cette isle le premier méridien, où commence le premiér degré de longitude. Lanzerotta l'appelle en Latin Nigro.

POIRE DE FÈR. Nom d'une éspèce de poire qu'on mange cuite pendant l'hiver.